3 réflexions sur “Pirkei Avot : la Thora et le travail”
Tapiéro
Tout d’abord, je veux vous témoigner ma gratitude et mon intérêt pour votre travail recherché dans les textes de la Thora et dans sa compréhension à la lumière de la réalité communautaire. Vous élevez le niveau…
D’autre part, je souhaite dédié ces quelques commentaires de Thora à la mémoire de mon ami le Docteur Alloun dont j’ai appris la disparition, ce soir, suite au virus , et qui avait pour habitude de nous éclairer de ses commentaires de Thora tous les samedis après-midi à la synagogue de St-Brice.
Aussi en tant qu’élève du professeur Talmid-Hacham Yéhouda Léo Lévy ancien recteur du Machon lev, professeur de Physique, ayant écrit des dizaines d’ouvrage tant sur le talmud ainsi que sur l’optique physique, lui même élève du Rav Outner de l’école de pensée du Rav ChimeChone Réphaël Hirsch, je suis sensible à ce sujet de la Thora et du travail.
Aussi je souhaite nuancer votre cours en rapportant un autre texte du talmud traitant directement de la question avec la fameuse discussion entre rabbi Chimone et Rabbi Ishmaël dans la Guémara Bérahot page (35 🙂 où il ressort que l’idéal juif c’est l’étude de la Thora et que le travail n’est ni une bénédiction ni une malédiction mais une nécessité.
Sur le sujet de notre rapport aux rabbins,
Je souhaite vous rapporter une anecdote illustrant la relation d’un juif avec son Rav (ou Rabbin), de quelqu’un que j’ai vu vivre suivant le principe de תורה עם דרך ארץ, mon maître le professeur Lévi (זצ ל)
On m’a rapporté que lorsque le professeur Leeb s’est adressé au professeur Lévi pour prendre la direction du département d’optique au sein du nouvel établissement, alors que le professeur Levi était en poste à l’école polytechnique de Brooklyn et avait plusieurs autres responsabilités.
Il demanda la permission à son Rabbin!
c’est simplement vertigineux.
Je dois reconnaître que je ne serai pas capable d’en faire autant, et c’est pourtant une attitude que l’on retrouve chez les maîtres du talmud.
La solution vient peut-être du Pirkei Avot: Nous avons la possibilité de choisir notre Rabbin עשה לך רב
שבת שלום
Je vous remercie pour votre message, dont le contenu est profond et bien documenté. Toutefois, j’ai quelques réserves que j’argumente ci-après.
Berakhot page 35 : premièrement, je n’ai pas dit que le travail était une bénédiction, mais que ce n’était pas une malédiction. La malédiction n’est pas le travail, mais l’échec dans le travail lorsque les choses ne fonctionnent pas. Berakhot 35b ne dit pas que l’idéal juif est l’étude de la Thora et rien d’autre : l’étude de la Thora doit être une activité fixée (קבע) et le reste s’organise autour, et non l’inverse.
La Thora n’aurait pas été la même si Moïse avait dépendu économiquement du peuple, au moins le verset Bamidbar 16:16 : לא חמור אחד מהם נשאתי, “Je ne leur ai rien pris pas même un âne”. Or un dirigeant impartial doit avoir cet argument à disposition.
Quant à consulter son Rav, je crois qu’il est toujours bon de consulter des proches de confiance, surtout pour prendre une décision importante. Je dis consulter, et non prendre la permission. En effet, si son Rabbin lui avait interdit de prendre cette fonction, le Maître aurait dû justifier par un commandement de la Thora cet interdit. Or cet interdit n’existe pas, et il est interdit d’ajouter des interdits (Dévarim 4:2 : לא תוסיף עליו ולא תגרע ממנו)
De façon plus générale, je n’approuve pas ceux qui s’en remettent totalement et sans réserve à leur Rav. Je crois que nous devons vivre et assumer entièrement notre vie, et les grandeurs et les misères de la condition humaine, en chevauchant notre quotidien et en le vivant intensément. Ceci ne nous empêche pas de recueillir l’avis de personnes de confiance et bienveillantes et d’accorder un grand poids à ces avis. Au contraire, c’est la base de la sagesse.
Enfin, je n’ai pas détaillé pendant la séance mais le chapitre 11 de Avot de Rabbi Nathan que nous avons parcouru est très sévère sur les conséquences d’un Rav dépendant économiquement de sa communauté. Très sévère. Mais, encore une fois, je crois que ce texte décrit un idéal, et je ne pense pas que la situation actuelle permette de l’atteindre.
Shavoua tov,
Je souhaite revenir sur votre enseignement qui touche des points tellement fondamentaux (pour notre peuple) qui sont le rabbinat, le pouvoir et le travail.
Une petite introduction sur les enseignements de Pirkei Avot et les personnes à qui ces enseignements sont adressées :
Cela varie d’une michna à l’autre. Tantôt elle s’adresse à une élite (dans le domaine spirituel ou une apprentie élite) soit elle s’adresse de façon plus générale au peuple dans sa globalité.
J’en veut pour preuve la première michna qui s’adresse directement aux juges.
C’est aussi le cas de la michna 10 qui donne 3 recommandations à des personnes capables d’occuper des postes de rabbins, nous les appellerons des sachants (ou savants)
אהוב את המלאכה
Notre discussion était de savoir si le travail est une bénédiction ou une nécessité. Après réflexion, c’est ni l’un ni l’autre mais une valeur morale auquel il faut s’attacher à l’opposer de la recherche du pouvoir qu’il faut haïr à travers l’expression,
ושנא את הרבנות
En clair, pour le savant, ne pas chercher à être un rabbin mais s’attacher à travailler, non pour diriger une communauté et ne pas dépendre de cette communauté au niveau financier, mais travailler car être un rabbin et diriger n’est pas un travail (המלאכה) (au sens de la michna)
Le Rambam traduit le rabbinat par la recherche du pouvoir.
ובבקשת השררה יבואו עליו נסיונות בעולם ורעות, כי יקנאו בו ויאיבוהו, ויפסיד דתו, כמו שאמרו: “כיון שנתמנה אדם מלמטה – נעשה רשע מלמעלה”
Aussi, j’ai appris plusieurs histoires de rabbins qui fuyant la fonction avait été rattrapé par la communauté dans laquelle il officiait. C’est le seul cas de figure, qui répond aux problématiques que vous soulevez concernant la posture du rabbin (« comment plaire à tout le monde ? »).
Par contre, le Rambam, dans son commentaire interprète le travail comme une nécessité,
כי בהעדר מלאכה יצר מצבו ויגזול ויעשוק
C’est une difficulté pour moi car, dès lors pourquoi utiliser le terme אהוב
Pour revenir à la haine que doit susciter le sentiment de vouloir diriger (dominer) les autres, je me permettrai une réflexion qui n’engage que moi.
Je me suis souvent poser la question à savoir pourquoi la thora insiste tant sur les lois relatives aux relations sexuelles ainsi que sur les règles concernant la probité et de façon générale sur notre rapport avec l’argent. J’ai compris que le dénominateur commun à ces 2 grandes tentations était la possession et plus globalement le pouvoir de l’homme sur autrui.
Pour reprendre une expression chère à David Saada, « la conscience en creux » est le seul moyen de faire la place à l’autre, de faire résider D… parmi nous.
Tout d’abord, je veux vous témoigner ma gratitude et mon intérêt pour votre travail recherché dans les textes de la Thora et dans sa compréhension à la lumière de la réalité communautaire. Vous élevez le niveau…
D’autre part, je souhaite dédié ces quelques commentaires de Thora à la mémoire de mon ami le Docteur Alloun dont j’ai appris la disparition, ce soir, suite au virus , et qui avait pour habitude de nous éclairer de ses commentaires de Thora tous les samedis après-midi à la synagogue de St-Brice.
Aussi en tant qu’élève du professeur Talmid-Hacham Yéhouda Léo Lévy ancien recteur du Machon lev, professeur de Physique, ayant écrit des dizaines d’ouvrage tant sur le talmud ainsi que sur l’optique physique, lui même élève du Rav Outner de l’école de pensée du Rav ChimeChone Réphaël Hirsch, je suis sensible à ce sujet de la Thora et du travail.
Aussi je souhaite nuancer votre cours en rapportant un autre texte du talmud traitant directement de la question avec la fameuse discussion entre rabbi Chimone et Rabbi Ishmaël dans la Guémara Bérahot page (35 🙂 où il ressort que l’idéal juif c’est l’étude de la Thora et que le travail n’est ni une bénédiction ni une malédiction mais une nécessité.
Sur le sujet de notre rapport aux rabbins,
Je souhaite vous rapporter une anecdote illustrant la relation d’un juif avec son Rav (ou Rabbin), de quelqu’un que j’ai vu vivre suivant le principe de תורה עם דרך ארץ, mon maître le professeur Lévi (זצ ל)
On m’a rapporté que lorsque le professeur Leeb s’est adressé au professeur Lévi pour prendre la direction du département d’optique au sein du nouvel établissement, alors que le professeur Levi était en poste à l’école polytechnique de Brooklyn et avait plusieurs autres responsabilités.
Il demanda la permission à son Rabbin!
c’est simplement vertigineux.
Je dois reconnaître que je ne serai pas capable d’en faire autant, et c’est pourtant une attitude que l’on retrouve chez les maîtres du talmud.
La solution vient peut-être du Pirkei Avot: Nous avons la possibilité de choisir notre Rabbin עשה לך רב
שבת שלום
Je vous remercie pour votre message, dont le contenu est profond et bien documenté. Toutefois, j’ai quelques réserves que j’argumente ci-après.
Berakhot page 35 : premièrement, je n’ai pas dit que le travail était une bénédiction, mais que ce n’était pas une malédiction. La malédiction n’est pas le travail, mais l’échec dans le travail lorsque les choses ne fonctionnent pas. Berakhot 35b ne dit pas que l’idéal juif est l’étude de la Thora et rien d’autre : l’étude de la Thora doit être une activité fixée (קבע) et le reste s’organise autour, et non l’inverse.
La Thora n’aurait pas été la même si Moïse avait dépendu économiquement du peuple, au moins le verset Bamidbar 16:16 : לא חמור אחד מהם נשאתי, “Je ne leur ai rien pris pas même un âne”. Or un dirigeant impartial doit avoir cet argument à disposition.
Quant à consulter son Rav, je crois qu’il est toujours bon de consulter des proches de confiance, surtout pour prendre une décision importante. Je dis consulter, et non prendre la permission. En effet, si son Rabbin lui avait interdit de prendre cette fonction, le Maître aurait dû justifier par un commandement de la Thora cet interdit. Or cet interdit n’existe pas, et il est interdit d’ajouter des interdits (Dévarim 4:2 : לא תוסיף עליו ולא תגרע ממנו)
De façon plus générale, je n’approuve pas ceux qui s’en remettent totalement et sans réserve à leur Rav. Je crois que nous devons vivre et assumer entièrement notre vie, et les grandeurs et les misères de la condition humaine, en chevauchant notre quotidien et en le vivant intensément. Ceci ne nous empêche pas de recueillir l’avis de personnes de confiance et bienveillantes et d’accorder un grand poids à ces avis. Au contraire, c’est la base de la sagesse.
Enfin, je n’ai pas détaillé pendant la séance mais le chapitre 11 de Avot de Rabbi Nathan que nous avons parcouru est très sévère sur les conséquences d’un Rav dépendant économiquement de sa communauté. Très sévère. Mais, encore une fois, je crois que ce texte décrit un idéal, et je ne pense pas que la situation actuelle permette de l’atteindre.
Shavoua tov,
Je souhaite revenir sur votre enseignement qui touche des points tellement fondamentaux (pour notre peuple) qui sont le rabbinat, le pouvoir et le travail.
Une petite introduction sur les enseignements de Pirkei Avot et les personnes à qui ces enseignements sont adressées :
Cela varie d’une michna à l’autre. Tantôt elle s’adresse à une élite (dans le domaine spirituel ou une apprentie élite) soit elle s’adresse de façon plus générale au peuple dans sa globalité.
J’en veut pour preuve la première michna qui s’adresse directement aux juges.
C’est aussi le cas de la michna 10 qui donne 3 recommandations à des personnes capables d’occuper des postes de rabbins, nous les appellerons des sachants (ou savants)
אהוב את המלאכה
Notre discussion était de savoir si le travail est une bénédiction ou une nécessité. Après réflexion, c’est ni l’un ni l’autre mais une valeur morale auquel il faut s’attacher à l’opposer de la recherche du pouvoir qu’il faut haïr à travers l’expression,
ושנא את הרבנות
En clair, pour le savant, ne pas chercher à être un rabbin mais s’attacher à travailler, non pour diriger une communauté et ne pas dépendre de cette communauté au niveau financier, mais travailler car être un rabbin et diriger n’est pas un travail (המלאכה) (au sens de la michna)
Le Rambam traduit le rabbinat par la recherche du pouvoir.
ובבקשת השררה יבואו עליו נסיונות בעולם ורעות, כי יקנאו בו ויאיבוהו, ויפסיד דתו, כמו שאמרו: “כיון שנתמנה אדם מלמטה – נעשה רשע מלמעלה”
Aussi, j’ai appris plusieurs histoires de rabbins qui fuyant la fonction avait été rattrapé par la communauté dans laquelle il officiait. C’est le seul cas de figure, qui répond aux problématiques que vous soulevez concernant la posture du rabbin (« comment plaire à tout le monde ? »).
Par contre, le Rambam, dans son commentaire interprète le travail comme une nécessité,
כי בהעדר מלאכה יצר מצבו ויגזול ויעשוק
C’est une difficulté pour moi car, dès lors pourquoi utiliser le terme אהוב
Pour revenir à la haine que doit susciter le sentiment de vouloir diriger (dominer) les autres, je me permettrai une réflexion qui n’engage que moi.
Je me suis souvent poser la question à savoir pourquoi la thora insiste tant sur les lois relatives aux relations sexuelles ainsi que sur les règles concernant la probité et de façon générale sur notre rapport avec l’argent. J’ai compris que le dénominateur commun à ces 2 grandes tentations était la possession et plus globalement le pouvoir de l’homme sur autrui.
Pour reprendre une expression chère à David Saada, « la conscience en creux » est le seul moyen de faire la place à l’autre, de faire résider D… parmi nous.